roman

mardi 27 décembre 2016

Le casting idéal




C'est un luxe inouï que celui de l'auteur de pouvoir s'offrir le casting idéal du film qui se tourne dans sa tête dès les premiers instants de l'écriture. Difficile, impossible, même, d'imaginer pour moi certains personnages autrement qu'avec l'apparence que je leur ai donnée, même si en général, mon processus d'écriture est plutôt d'être à l'intérieur d'un personnage (l'équivalent de la caméra subjective). Je suis donc rarement confrontée à leur image. En revanche, je perçois les battements de leur coeur, leur respiration, les vibrations de leurs cordes vocales, leur état nerveux. Ainsi, au-delà du physique, c'est surtout la personnalité, les attitudes particulières, le ton d'une voix d'un comédien ou d'une comédienne qui apportent épaisseur et crédibilité.
Voici leurs visages. Ils sont sans doute différents de ceux que vous avez donnés aux personnages au cours de votre lecture. Mais vous devriez percevoir quelques points de ressemblance sur le plan du caractère.

DESMOND G. BLUR : Viggo Mortensen a beaucoup influencé le personnage. Il parle avec cette même douceur, d'une voix un peu nasillarde, avec "des sifflantes". Il est aussi doué pour les langues, très proche de la nature, a tendance au repli sur soi, et connait parfois des enthousiasmes puérils (voir ses interviews). Comme si Desmond et Viggo portaient en eux, à chaque instant, toutes les facettes de leur personnalité depuis l'enfance pour mieux se confronter à la réalité. 


"Passant une main dans ses cheveux, il ne trouva qu’une courte mèche à rabattre sur son front. Question d’habitude. Le port du bonnet de laine étant obligatoire en cette saison à Chautauqua, les cheveux rebiquaient sur les oreilles, collaient au front d’une désagréable façon. Desmond s’était donc résolu à prendre place dans un fauteuil du Vincenza Salon Spa où, pour vingt-huit dollars, quelqu’un avait raccourci ses longueurs d’un fatal coup de ciseaux. Mais retrouver sa tête de citadin ne l’enchantait pas. Ses cheveux coupés court dévoilaient le creux des joues et des taches de vieillesse autour de l’œil gauche. "


LOLA LOMBARD est Carol Lombard. Au départ, l'idée que Lola porte une cicatrice au visage m'a été inspirée par la romancière Catherine Diran (également chanteuse et fondatrice du groupe Lilicub) dont le visage porte de très discrètes cicatrices. Mais en cherchant des photos de Carol Lombard à glisser sur ce blog, je suis tombée sur celle-ci:



De façon très nette, une petite cicatrice apparaît sous la pommette gauche. J'ignorais totalement ce détail. Troublant, non? L'avais-je entrevue un jour dans un de ses films? ... Je ne crois pas au hasard, seulement aux fils qui relient le passé au présent, et qui font que le choix du nom que porte Lola serait celui de Carol Lombard alors même que celui d'une autre femme avec une cicatrice au visage me troublait. 
L'inconscient à une grande part de responsabilité. Il est souvent coupable de tout!
Ce qui est encore plus troublant, c'est la façon dont Carol Lombard, épouse de Clark Gable, trouvera la mort tragiquement (voir lien ci-dessous).


"Cette femme s’était présentée sur sa route comme un rocher se détache d’une falaise, prisonnière d’un amas de métal, le visage en sang. Desmond lui avait porté secours, ignorant qu’elle réapparaîtrait bientôt sur sa terrasse pour l’enchanter des ondulations torrides de sa jupe, porteuse d’une énigme dont sans le savoir il détenait la clé. En quelques jours, elle avait bouleversé sa généalogie, réconcilié Desmond avec son père et désigné du même coup l’homme qui jadis massacra sa famille. Elle avait fait tout cela, sans effort, et bien plus. Elle avait agité devant lui une sorte de chiffon, comme un signal, un ruban passé dans le cœur, lui soufflant soudain l’idée qu’il pourrait être doux d’arpenter les montagnes du parc forestier de Coconino avec un compagnon qui n’aurait pas les mollets velus de son pote Ken Grimm mais une délectable cambrure des reins."



Mes deux agents du F.B.I. : 





"Ce matin, deux fouineurs du FBI l’avaient soûlé. L’agent Born, plus noir que noir et plus massif qu’une cuisine intégrée en chêne, avait laissé une blondasse plus blanche que blanche et fringuée à la Hillary Clinton poser les questions vicieuses, se contentant de jouer avec les élastiques de son dossier, loupant une fois sur deux son coup à cause de ses doigts gros comme des saucisses."


PAUL BORN est Laurence Fishburne.  

L'agent FREDERIC TIRMONT est la magnifique Emma Thompson (pour l'anecdote, le personnage du roman porte le nom de la comédienne qui la double en français, Frédérique Tirmont).
C'est le charisme de ces acteurs, leur incroyable palette d'émotions qui, dès la première scène, les a imposés comme étant deux personnages forts du roman. Pourtant, au départ, l'un comme l'autre n'étaient censés exister que dans la scène de l'interrogatoire.


Mes deux choupinets de la police de Barstow, déjà dans Black coffee, je les ai retrouvés avec un indescriptible plaisir. Ils se sont aussi imposés à l'écriture comme un gros chat vient se frotter à votre ordinateur pour réclamer de l'attention et des caresses. Avec eux, au creux de leur rapport singulier (le shérif est très paternaliste avec son jeune adjoint, mais aussi très jaloux de sa jeunesse, de cette part de séduction qui l'a déserté), je me régale.

SHERIF MIKE KIRBY
(John Wayne)


"Le véhicule roula au pas jusqu’aux pompes à essence et s’immobilisa, fourrant son museau presque sous la jupe de Patti. Aguicheur, le capot lançait des reflets vif-argent. Le shérif enclencha l’ouverture automatique de la vitre. Un vent suave remplit l’habitacle, et il ne put retenir un commentaire.
— Tu vois, p’tit, quand on a devant soi un aussi beau morceau, on est heureux. Ça viendrait même pas à l’idée de réclamer la sauce pimentée.
Levant un sourcil, Lane taquina son supérieur à voix basse :
— Elle est pas un peu trop jeune pour vous, la serveuse du Roy’s, chef ?
— Je te parle d’esthétique, gamin. On touche pas une dame en veuvage. Distance réglementaire. Mais c’est de la rousse qui décoiffe... Je suis de 41 et elle est de 49, comme feue Mrs Kirby, précisa-t-il. "

SHERIF ADJOINT HONDO LANE
(Channing Tatum)


La veuve du tueur, PATTI, je ne pouvais pas non plus me contenter de l'oublier au bord de la 66. 
Un bis s'imposait.


BETTE MIDLER

"Patti froissa sa crinière du bout des ongles, faisant tinter ses bracelets. Du regard, elle embrassait la pièce, telle la future propriétaire des lieux.  (...) Quel beau spectacle. Oui, quel beau spectacle. Ce
cul miraculeux au milieu de la pièce... Rien n’avait jamais commencé entre Patti et lui à cause des sentiments que la rouquine venue du Missouri éprouvait pour Dave. Mais dans le contre-jour de ses pensées, Mike Kirby espérait qu’une aussi forte illusion puisse demain combler l’ennui désespérant d’un veuf. Et c’est presque malgré lui qu’il s’entendit bredouiller qu’il avait un travail urgent à finir mais que, dans trente minutes, il serait rudement content qu’elle accepte de se joindre à lui pour partager des tapas au Los Domingos Restaurant. "



 Dans le registre "Actrices inoubliables", je vous présente MISS AMELIA WEG (Mia Farrow), la bibliothécaire de la Smith Memorial Library de Chautauqua Institution, qui en pince pour le professeur Blur.


"Puis elle s’aperçut que le professeur penchait son délicieux profil de quinqua sur une brochette de dames tenant des bouquets de fleurs.
— Cette photo-ci date de 1935, dit-elle. Le Chautauqua Women’s Club au complet : de gauche à droite, Mrs Thomas Edison, Mrs Henry Ford, Mary Miller Nichols... Vous êtes certain que vous ne voulez pas encore un peu de café ?
Tout à l’observation du cliché, le professeur secoua doucement la tête. Ses lunettes de vue lui allaient à ravir ; sans qu’elle parvienne à en comprendre la raison, la fossette qui creusait son menton sous une courte barbe évoquait à la jeune femme l’époque où elle fréquentait le collège de Maryville dans sa région natale du Tennessee.
— Merci, miss Weg.
Fine comme une liane dans sa robe chasuble, la bibliothécaire contrôla le nœud du foulard qui descendait sur sa poitrine et posa la question qui lui brûlait les lèvres."


A Chautauqua Institution, on trouve également de charmantes petites dames qui perdent un peu la mémoire - ou la tête. Voici BETSY GRIFFIN. Le choix de LINE RENAUD n'est pas anodin. (Vous découvrirez pourquoi en lisant le roman)





"Betsy Griffin replia contre elle les pans de son gilet et se dirigea tête baissée jusqu’à l’appentis au fond du jardin. Le temps se couvrait. Des vents violents soufflaient de toutes parts.
— Ce que cette demoiselle de la bibliothèque vous a rapporté de notre échange est conforme au souvenir que j’en ai gardé, Mr Blur.
Elle portait un pantalon en tergal et une chemise d’homme nouée sur les hanches. Un foulard bleu clair glissé dans ses cheveux accentuait leur couleur meringue.
— ... Mais je ne sais pas si ce qui se trouvait encore hier dans mon congélateur existe bel et bien.
Desmond marchait à côté d’elle, bonnet jusqu’aux oreilles. Il s’était présenté à sa porte un peu après 10 heures, la surprenant en plein ménage.
— Pourquoi auriez-vous inventé cette histoire ?
— Ça aussi, je l’ignore. Des images tellement singulières me passent par la tête ces temps-ci !"


On entrevoit également dans ce livre des personnages qui existent dans la réalité et dont les noms ont été changés (ou intervertis). L'archiviste de Chautauqua Institution, par exemple, WARREN WISSEN:

(J. Schmitz)

"Dans sa façon de se tenir, épaules et ventre relâchés, l’homme d’une cinquantaine d’années ressemblait à un panda affublé d’une barbe à collier poivre et sel. Il possédait de larges oreilles mais parlait à voix basse ; sans doute une habitude prise pour ne pas déranger les lecteurs. Desmond s’accordait volontiers à cette tonalité, cette perpétuelle quiétude.
— Étonnant, murmura-t-il.
— Plaît-il ?
— Que ce policier se nomme Jonathan Schmitz. 

— Pourquoi donc ?"



...  Oui, parce que dans la réalité, l'archiviste se nomme... Jonathan Schmitz! Il fut une formidable source d'informations pour le roman et aussi, une personne avec laquelle les échanges furent passionnants et bien agréables (comme ce moment où nous nous sommes retrouvés par hasard au bar de mon hôtel où la barmaid fait si bien les margaritas)

Enfin, voici celui qui s'en revient des Etats-Unis avec son look improbable, pour le meilleur et pour le pire : PIERRE LOMBARD endosse la panoplie bien particulière d'un chanteur qui m'a beaucoup inspiré, à la fois viril et fragile, calculateur mais nature, impétueux mais doux, prêt à aller au bout de ses convictions à ses risques er périls - et dont le look ne cesse d'évoluer au file des saisons. Je lui ai beaucoup volé - jusqu'à son tatouage.




"Il prit la pose, revêtu de cuir noir et de python dans un fauteuil Louis XV.

— Regardez par ici ?
Suivre la main du photographe comme l’étoile du Berger.

— Parfait... Bien... Très bien...

Bras relâchés sur les accoudoirs, profil inspiré.

— ... Super !

Pierre se trouvait beau avec ses lunettes Romeo Gigli."


"Le parfum particulier d’un plateau de télévision – gélatines de projecteurs chauffées à blanc et sciure de bois –, ce climat de fausse décontraction, tous ces gens occupés à bosser mollo devant des peoples statufiés sous le fond de teint, le stress électrisant des assistants bornés, le plumeau expert de la maquilleuse très copine avec Jean d’O. et Sardou, ses palettes de couleurs comme à l’école pour réenchanter la laideur... Pierre renouait avec une fiancée infidèle et volage, lui pardonnait tout, affichait une paisible crainte en attendant son couronnement sur petit écran et puisait en elle de cette gloire essentielle à son existence. "

(Le tatouage de Pierre Lombard)


Il y a bien d'autres personnages dans ce livre, mais sur lesquels, si vous le permettez, je vais garder mes secrets de fabrication. 
A vous de les imaginer tels qu'ils vous apparaissent.
N'est-ce pas, Gandalf?















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