roman

dimanche 25 décembre 2016

Les musiques de "White coffee"


Si « Black coffee » tire son titre et l’inspiration de la première scène de la chanson éponyme interprétée par Peggy Lee, « White coffee » est séquencé en six parties, chacune étant attachée à une chanson. Ces chansons font également référence à l’évolution des saisons puisque le roman commence en juillet  pour se terminer au printemps.
L’idée, pour une lecture idéale du roman, serait de commencer la partie à lire en écoutant la chanson qui s’y rattache, pour se mettre dans « l’ambiance ».
Si ces chansons ont trouvé leur place logique dans le livre, cela n’a pas été le cas tout de suite. Je pensais d’ailleurs articuler tout le manuscrit autour d’une seule d’entre elle « It might as well be spring ».

Stacey Kent
 Dans la superbe version de Stacey Kent, la chanson a quelque chose de doux et d’insouciant, une invitation à la légèreté.  Mais les paroles, détachées de la musique, peuvent évoquer une autre idée : celle d’une jeune fille capricieuse, impatiente de n’en faire qu’à sa tête, de se libérer, avec cette « fièvre de printemps ». Des paroles qui peuvent à la fois évoquer les personnages d'April (évoquée dans les dernières parties du roman), de Pierre Lombard et son désir impétueux de rentrer en France, Lola et Desmond dans leur impatience de se retrouver, l'urgence dans laquelle le jeune officier de police Hondo Lane est de changer de métier et de décor... La thématique de l’impatience et de la frustration est très présente dans « White coffee » : rien  n’est donné facilement à aucun des personnages du livre mais bien au prix d’un certain dépassement de soi et d’épreuves.
Cependant, assez vite, par l’ampleur du manuscrit et le choix d'une écriture chorale, un autre découpage du roman s’est imposé. Et c’est Summertime qui ouvre finalement le livre.


 La version de Norah Jones est ma favorite, sensuelle, nostalgique. Les paroles mises en exergue dans le roman « One of these mornings you’re gonna rise up singing, and you’ll spread your wings and you’ll take to the sky » sont rattachées à Pierre Lombard lequel, dans cette première partie, déploie littéralement « ses ailes dans le ciel », prenant l’avion pour rentrer en France y quérir la gloire et reconquérir sa famille. Des ailes qu'il déploie encore ( mais cette fois seulement pour quelques secondes fatidiques) à la fin du livre.


La deuxième partie de "White coffee" s’ouvre sur les paroles de The things we did last summer : « The bell I rang to prove that I was strong, The thing we did last summer, I’ll remember all winter long ». Elles s’appliquent à un personnage dont je ne peux révéler l’identité puisqu’il est au cœur du mystère de Chautauqua Institution. On peut aussi comprendre dans « ces choses faites l’été dernier » la rencontre de Desmond et de Lola, et leur attachement à ce souvenir qui leur permet de tenir bon dans l’éloignement et les difficultés auxquelles ils sont confrontés.
Cette version chantée par Dean Martin est un pur enchantement, non ?

 Toujours dans l’idée de marquer le temps qui passe, la chronologie et les saisons, j’ai choisi September in the rain, une autre chanson sublime dont Franck Sinatra fait swinguer les paroles comme on soulève les feuilles mortes du bout de la chaussure.


« To every word of love I heard you whisper, the raindrops seemed to play our sweet refrain » : ainsi s’ouvre la troisième partie du roman. Il y est question de sentiments amoureux, de fidélité, de tentation (comme lorsque le shérif Mike Kirby se tâte pour savoir s’il osera s’aventurer à fricoter avec la veuve d’un tueur en série). Oser croire à la force d’un sentiment pour l’autre, prendre le risque de s’y abandonner est un autre thème fort du roman, et le questionnement majeur de Desmond. Les gouttes de pluie sont aussi, bien sûr, les larmes versées ou retenues sur les drames survenus ici.
 
Nancy Wilson... qui porte en guise de prénom ma ville natale.
When october goes par Nancy Wilson est dans doute la plus triste et la plus émouvante chanson du roman.
Les paroles mises en exergues « And when october goes, the snow begins to fly » de cette quatrième partie sont l’annoncent de sombres moments à venir, d’une menace contenue dans un tout petit flocon de neige qui danse encore, insouciant, dans le ciel.
Les paroles sont de Johnny Mercer. Mises en musique avec beaucoup de justesse par Barry Manilow, elles disent, en réalité, les regrets d’un homme qui se sait proche de la mort (J. Mercer les a écrites se sachant atteint du cancer). Quel que soit l’origine du mal qui les détruit (maladie, remord, actions passées ou présentes), celui-ci ronge plusieurs de mes personnages, dont celui que pourchasse Desmond dans cette partie du roman.

It might as well be spring arrive donc en cinquième partie du livre, justifiant sa place par cet extrait en exergue :
« I keep wishing I were somewhere else, Walking down a strange new street, hearing words I have never heard, from a man I’ve yet to meet. »
Il s’applique aussi bien à cet homme dont Desmond va changer le destin, et à Pierre, toujours sous l’influence de David Owens, dont la vie va basculer tragiquement, à Gaston qui va vivre un moment terrible de doute, de solitude, de souffrance, et à Desmond lui-même, confronté à une épreuve qui lui permettra enfin de comprendre où est sa place, quel homme il est appelé à être.

La version originale de la chanson est tirée du film STATE FAIRE (1945)

Pour finir le roman, le choix de Sometimes it snows in April s’est imposé pour deux raisons : la première, le livre est dédié à April S. , la jeune femme disparue dans le désert d’Amboy. La seconde, Prince est décédé alors que j’achevais l’écriture des dernières pages du roman. Il est venu y prendre sa place, avec ce talent infini et sa grande fragilité, et offrir à « White coffee » la juste note finale.





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